
Chaque année, le Giving Tuesday rappelle une évidence trop souvent oubliée : la générosité ne se limite pas au don financier. Elle s’incarne aussi dans la parole, l’écoute, la reconnaissance et la capacité à faire une place à celles et ceux qu’on entend moins.
Lors de la dernière édition, le 2 décembre 2025, les ateliers d’intelligence collective à la Maison de la Conversation ont mis en lumière un enjeu central pour les associations et fondations : l’engagement commence par l’écoute, dans les lieux où ces publics vivent réellement, au travers de formats qui favorisent la confiance et la participation.
Cet article propose de revenir sur les enseignements clés de cet atelier et des exemples concrets et facilement activables dans le cadre de futures campagnes.
Les “publics invisibles” regroupent des réalités multiples : personnes éloignées des institutions, habitants de quartiers peu mobilisés, publics en situation d’isolement social ou culturel, et jeunes ou seniors peu sollicités par les dispositifs d’engagement classiques.
Leur absence de participation n’est pas un manque d’intérêt, mais le résultat de freins :
Il est nécessaire d’élargir la participation à ces publics pour construire un mouvement inclusif et représentatif de la diversité des formes que prends la générosité.
Le premier enseignement fort de l’atelier est clair : l’engagement commence par l’écoute. Avant de proposer une action ou un appel à don, il est indispensable de créer des espaces où chacun peut s’exprimer librement.
L’objectif est de permettre à chacun de se sentir légitime pour s’exprimer, même s’il ne s’engage pas encore. Ces formats simples renforcent le sentiment de légitimité et constituent souvent un premier pas vers un engagement plus durable.
La Maison de la Conversation traduit cet état d’esprit. Elle a pour mission de briser l’isolement social, et de développer l’engagement citoyen par le biais de la conversation et du dialogue. Ils organisent des dispositifs de conversation (événements, ateliers, performances théâtrales) pour créer de véritables échanges entre différentes communautés et faire naître l’engagement citoyen. Ce lieu montre que la conversation et l’écoute créent la confiance, même avec des publics très éloignés de l’engagement.
Un autre enseignement clé de l’atelier concerne la nécessité de sortir des cadres institutionnels. Les publics invisibles ne fréquentent pas forcément les locaux associatifs ou les événements formels. Il faut proposer des alternatives.
Cette proximité avec les lieux de vie des personnes favorise la confiance et rend l’engagement plus accessible et agréable.
Bibliothèques Sans Frontières illustre bien cet état d’esprit, avec l’initiative Territoires 100 % lecteurs, qu’elle appelle à la création, partout en France, dans les communes, les agglomérations et les départements qui font le pari de la lecture pour la réduction des inégalités et le lien social.
Il s’agit de la mise en mouvement de tous les acteurs d’un territoire qui agissent sur deux fronts complémentaires. En rendant le livre présent partout : dans les bibliothèques, mais aussi dans l’espace public, les associations et centres sociaux, les écoles, les halls d’immeubles, les commerces de quartier, les cafés, les maisons de santé, les Ehpad ; jusque dans les foyers, en permettant aux enfants des familles les plus modestes de constituer leur première bibliothèque. Mais aussi en faisant en sorte que cet accès simplifié se traduise bien en multiplication du nombre de lecteurs. Pour cela il faut changer les représentations et les habitudes : inviter les parents à lire avec leurs enfants, former les éducateurs, impliquer les clubs sportifs, créer des clubs de lecture de quartier. Autant d’actions simples qui, coordonnées, peuvent avoir un impact profond sur les pratiques de lecture.
Les ateliers ont montré que l’un des leviers les plus efficaces pour toucher les publics invisibles est de travailler avec des relais de confiance, qui connaissent ces publics et en lesquels ils ont établi un lien de confiance.
Ces partenariats permettent d’ancrer les évènements d’engagement dans les réalités locales et de dépasser la logique descendante.
Le Secours populaire traduit cette démarche en intervenant régulièrement avec des associations partenaires d’éducation populaire (Ceméa, l’Anestaps, les Francas, les Eclaireuses et Eclaireurs de France, la Ligue de l’enseignement, Capsaaa, etc.), des lycées techniques (BTS audiovisuel du Lycée Evariste Galois, etc.), des grandes écoles (l’Essec, Sciences Po, etc.) pour mutualiser et valoriser les compétences externes.
La mise en place d’un partenariat avec des acteurs de proximité comme le fait le Secours Populaire, est la stratégie la plus efficace et la plus éthique pour surmonter la barrière de la méfiance et de l’éloignement institutionnel des publics invisibles, et en activant l’engagement citoyen via la relation de confiance déjà établie comme un puissant levier d’intermédiation, pour passer du statut de bénéficiaire à celui d’acteur.
Adultes, enfants, commerçants, entreprises, personnalités : le Secours populaire encourage tous ceux qui le souhaitent à devenir acteur de la solidarité à ses côtés. Dans une logique de refus de l’assistanat, les personnes accueillies sont invitées à participer aux actions de solidarité.
Un frein majeur à la participation réside dans la complexité des messages. Les publics invisibles sont souvent confrontés à des communications trop institutionnelles ou peu adaptées. Cela nécessite aussi de revoir son message et la manière dont il est communiqué.
Rendre l’information visible et compréhensible est déjà une première forme de reconnaissance.
C’est ce que propose l’APF France Handicap, une association oeuvrant pour la défense des droits des personnes en situation de handicap, dont l’accessibilité de l’information est un combat central.
La Plateforme Handi-Droits est un dispositif mis en place par l’APF pour répondre efficacement aux questions administratives et juridiques des personnes en situation de handicap et les accompagner dans leurs démarches (MDPH, allocations, logement, etc.) Elle a pour objectif de simplifier l’information sur les droits grâce à différents niveaux de réponses. Elle fournit une aide directe et adaptée via des permanences téléphoniques et des rendez-vous personnalisés. Elle permet également aux bénéficiaires d’accéder plus facilement et rapidement à leurs droits (allocations, PCH, CMI).
Les participants à l’atelier ont insisté sur un point essentiel : les publics invisibles ne constituent pas un groupe homogène. Leurs contraintes de temps, d’énergie ou de capacité à se mobiliser et s’engager varient fortement.
Lorsque les personnes se sentent écoutées et reconnues, et que des évènements adaptés à leurs disponibilités sont proposés, elles passent plus facilement du statut de spectateur à celui d’acteur.
Justice Ensemble montre qu’on mobilise durablement quand les actions sont adaptées aux réalités des publics. Leur méthode repose sur l’organisation collective, l’action directe et la co-construction, en s’appuyant sur des formats accessibles et inclusifs. Plutôt que de proposer des réponses abstraites ou descendantes, Justice Ensemble choisit de reconstruire une puissance populaire à partir du vécu des personnes directement concernées. Leur point de départ : celles et ceux qui subissent en première ligne la dégradation de leurs conditions de vie. Locataires de logements insalubres, habitant·es exposé·es aux pollutions industrielles… Ces publics souvent invisibilisés s’organisent en syndicats d’habitants et habitantes, pour défendre leurs droits et peser collectivement sur les décisions qui les concernent. Le choix même de la structuration en syndicat, s’unir pour faire justice ensemble, incarne cette volonté de construire un pouvoir collectif à partir de l’expérience vécue.
La force du Giving Tuesday réside dans sa capacité à fédérer une grande diversité d’acteurs autour d’une vision commune de la générosité. La journée mondiale de la générosité offre un cadre idéal pour tester de nouveaux formats, expérimenter des dispositifs inclusifs et valoriser toutes les formes d’engagement citoyen.
En intégrant davantage les publics invisibles, les associations enrichissent leur impact social, ainsi que la légitimité et la durabilité de leurs actions auprès des publics concernés.
Créer plus d’espaces pour la parole et la participation des publics invisibles, c’est :
L’engagement des publics invisibles naît d’une rencontre authentique. ****Ces idées rappellent qu’avant d’inviter à agir, il faut d’abord écouter, reconnaître, et permettre à chacun d’exister dans la conversation publique.
Vous avez participé au Giving Tuesday en 2025, ou souhaitez rejoindre le mouvement le 1er décembre 2026 ? Inspirez-vous de ces pistes pour imaginer des actions plus ouvertes et plus participatives. Rejoignez la communauté du Giving Tuesday France, partagez vos initiatives et contribuez à faire de la générosité une conversation à laquelle chacun peut prendre part.